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Les femmes cèdent à la Krav mania !

Les femmes cèdent à la Krav mania

Cours de Krav Maga féminin au Centre de formation au Krav Maga. Photos : Florent Bouteiller

Chaque année, elles sont de plus en plus nombreuses à venir grossir l’effectif des pratiquants de Krav Maga en France. Victimes d’agression ou cibles potentielles, elles ont pris les devants pour apprendre les gestes efficaces de la self-défense. Reportage au Centre de formation au Krav Maga tenu par Teddy De Baere.   Les cours ont lieu au Rectorat de Paris dans le Ve arrondissement. Après avoir descendu le grand escalier du gymnase, on pénètre dans une salle bizarrement agencée où pendent les sacs de frappe, poires et cordes. Coincé dans un renfoncement, un ring de boxe qui ne servira finalement pas. « On l’utilise rarement, éclipse Teddy de Baere. Le ring nous permet parfois de travailler sur des exercices spécifiques. Mais la plupart du temps, on travaille en situation. »Elles ont entre 20 et 30 ans, portent des ceintures blanches, jaunes ou vertes autour de la taille. Pour la plupart, elles n’ont jamais pratiqué de sport de combat. Où alors du judo dans leur prime jeunesse, comme Amélie. Et les bases sont loin. Mais quand est venue l’heure de choisir, elles n’ont pas hésité. « Je recherchais une activité de contact. Après avoir tourné autour de pas mal de disciplines, je me suis arrêtée sur le Krav Maga, raconte Audrey Barreau, une débutante. Quand j’ai vu que cette discipline était enseignée à des troupes d’élite comme le GIGN, ça m’a convaincu. » Alors voilà. Un jour, elles ont poussé la porte du Centre de formation au Krav Maga (CFKM). Depuis, ce sont elles les troupes d’élite de Teddy de Baere (ceinture noire 3e dan), le professeur qui forme ses recrues aux bons gestes en cas d’agression.         Le Krav Maga a été élaboré par Imi Lichtenfeld, un champion de lutte juif hongrois qui a émigré en Palestine dans les années 40. Formateur dans l’armée de Tsahal, il s’est beaucoup inspiré des situations de combat que rencontraient ses hommes pour élaborer sa méthode d’autodéfense où le but ultime est de rester en vie, quels que soient les moyens. Après avoir été adopté dans l’armée israélienne, le Krav Maga est vite devenu populaire aux Etats-Unis ou en Europe, à partir de 1988, grâce à Richard Douieb, une des plus grosses pointures de la discipline qui a formé Teddy de Baere et créé la Fédération européenne de Krav Maga en 1997 (FEKM). Visages impassibles, regards perdus dans les murs blancs, les filles s’alignent devant leur professeur pour le salut. « Ce soir, on y va pas plus qu’à fond », plaisante Teddy de Baere qui ouvre la séance sur des exercices d’échauffement et de mise en condition physique. Très vite, les visages se détendent, leurs sourires s’esquissent et les gestes deviennent plus fluides. « Le travail dans l’espace permet de mieux prendre en compte son environnement, de se relâcher avant d’entrer dans le vif du sujet », confie le professeur. Le vif du sujet, c’est bien sûr le travail en situation qui les attend, ces exercices répétés face à un agresseur potentiel qui les ont convaincues de venir s’inscrire.  

Exercice de dégagement sous l’oeil attentif de Farid Moussa.

  Ce soir, Teddy de Baere a choisi de travailler sur un schéma type ou l’agresseur vient enserrer sa victime avec ses bras. « La première chose, c’est de se dégager du corps à corps. Pas d’entrer dans un rapport de force. Je viens joindre les mains, je tape au niveau des parties génitales et j’administre un coup de genou », conseille le professeur, démonstration à l’appui sur son partenaire Farid Moussa. Le coup porte en effet ses fruits. L’assaillant se cambre en angle droit. « A partir de ce moment-là, je pourrais remettre un coup de poing, mais il y a fort à parier que je vais me heurter à son crâne. Et dans ce cas là, je peux me blesser à la main, poursuit Teddy de Baere. Le mieux, c’est de prendre la fuite. Souvenez-vous que le but recherché, c’est de s’extirper de cette situation. A partir du moment où j’ai une porte de sortie, c’est toujours, toujours l’option que je devrai choisir. » Aujourd’hui, on estime qu’un million de femmes sont victimes de violences chaque année en France. Selon la dernière enquête de l’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, publiée en novembre 2012, plus du quart des femmes se sentent parfois en insécurité dans leur quartier ou leur village. Elles sont aussi plus de 20 % à ressentir de l’insécurité à leur domicile. « On a beaucoup de femmes qui viennent suite à une agression ou par peur d’en avoir une, confirme Teddy de Baere. Souvent, elles sont tétanisées lors de leur premier cours. » C’est ce constat qui l’a engagé à créer des cours exclusivement féminins au CFKM.  

Le Krav Maga inclut aussi des exercices de préparation physique.

« Chacune vient avec sa propre histoire, ses raisons personnelles. Mon but, c’est qu’elles reprennent confiance en elles », définit Teddy de Baere. Victime d’une agression il y a sept ans, Audrey Barreau a dû se faire violence pour pousser la porte du CFKM. Et à bien l’écouter, la plaie ne s’est pas encore refermée. « Dans une situation d’agression, on pense toujours qu’on peut s’en tirer à bon compte. Mais en fait, la peur vous submerge et vous bloque, explique-t-elle. Je suis venue dans ce cours avant tout pour prendre confiance en moi. Et puis, c’est une façon aussi de reprendre le dessus sur ce qui m’est arrivé. » Si Séverine Millet, elle, reconnaît ne jamais avoir été « victime d’agression », elle affirme avoir déjà été « embêtée » à plusieurs reprises. « Ça fait cinq ans que je pratique le Krav Maga. Ça me permet d’avoir un meilleur contrôle de mes émotions, explique-t-elle. Et en cas de danger, je veux pouvoir me donner la chance d’avoir un bon réflexe. »Amélie, jeune orthoptiste, s’est inscrite au Krav Maga sur les conseils de son frère, pratiquant lui aussi. « ça me défoule, ça me détend », assure celle qui n’a commencé qu’à la rentrée. Un peu juste encore pour envisager répliquer dans une situation délicate, selon elle.
 « Le Krav Maga se distingue justement par son côté simple et efficace, contrebalance Teddy de Baere. Pas besoin d’avoir des années de pratique comme dans la plupart des autres arts martiaux. Au Krav, on apprend à se défendre contre tous types d’attaques à mains nues ou armées et dans n’importe quelle situation. » Illustration avec l’exercice qui suit.
Neutralisé par un agresseur qui le tient dans le dos, Teddy de Baere montre à ses élèves comment se dégager en utilisant à bon escient sa tenue de soirée. « Si vous êtes en talon, n’hésitez pas à vous en servir. Un coup sur les orteils, c’est très douloureux pour votre adversaire et cela peut vous laisser assez de temps pour vous enfuir. En revanche, s’il possède des chaussures de chantier, il faudra taper au niveau des tibias et enchaîner quelques percussions. Crier dans l’oreille aussi, c’est très efficace. » En quelques secondes le professeur s’est défait de l’étreinte pour finalement prendre la fuite après avoir neutralisé son assaillant d’un coup de poing au plexus. « En général, une agression va très vite. On a rarement le temps d’y réfléchir. On y pense surtout après, explique Teddy de Baere. Tout notre travail va consister à se mettre dans des situations de stress pour savoir régir au mieux. » Bien sûr, le but n’est pas de céder à la psychose, juste de se préparer en cas d’éventuel coup dur et même d’acquérir certains réflexes pour éviter les situations délicates. « Dans mon cours, j’essaie de sensibiliser les filles aux conduites à risques à éviter : rentrer seule le soir, marcher dans des endroits peu fréquentés ou mal éclairés, explique Teddy de Baere. Ces situations sont favorables aux agressions. Après, il ne faut pas être tête brulée non plus. Parfois, on ne se sent pas en état de répondre physiquement à une agression. Mieux vaut se faire voler son sac à main plutôt que risquer sa vie. C’est une question de confiance aussi. En cas de vrai danger, comme une tentative de viol par exemple, là oui, il faudra agir. Mais je mets un point d’honneur à répéter à mes filles qu’on ne se sert de ces techniques, parfois radicales, qu’en cas de légitime défense. » Si l’efficacité du Krav Maga a forgé sa réputation, une image sulfureuse lui est souvent accolée. Méthode d’autodéfense qui a influencé des groupes extrémistes ou discipline communautaire exclusivement réservée aux juifs sont les deux principales critiques formulées à l’endroit du Krav Maga. « C’est vrai qu’il y a cette image qui colle à la peau du Krav Maga, déplore Teddy de Baere. Tout simplement parce que certains ont détourné son usage pour répandre la violence. Nous, au CFKM et dans tous les clubs affiliés à la Fédération européenne de Krav Maga, on est en dehors de tout ça. Notre cours est ouvert à tous. Nous avons vu passer toutes les nationalités et franchement, tout s’est toujours bien passé. » Ses élèves ne peuvent pas dire le contraire. Si le professeur joue parfois les tortionnaires à la fin du cours en leur imposant des exercices physiques, c’est surtout pour les renforcer. « Encore une heure cinquante-huit », s’exclame-t-il dans les rires confondus. Le cours s’achève sur des étirements. Pour mener l’exercice, Séverine Millet, ceinture marron après 5 ans de pratique et pur produit du CFKM. « J’ai fait 10 ans de danse, explique cette jeune fille. Ce qui me plaisait dans le Krav, c’est qu’on pouvait apprendre des gestes utiles et que c’est un sport à part entière. On y va pour se défouler, pour transpirer et quand on rentre chez soi, on est lessivé. C’est de la bonne fatigue. » « Séverine, c’est l’exemple type d’une bonne progression en Krav Maga, renchérit Teddy de Baere. Quand elle est arrivée au CFKM, elle était toute timide, pas du tout rassurée. Progressivement, elle a basculé dans des cours mixtes et en avril, elle passera l’examen pour obtenir sa ceinture noire. »Aujourd’hui le Krav Maga connaît un véritable engouement en France et les femmes y sont chaque année plus nombreuses. Pas seulement pour l’aspect self-défense, mais aussi pour les exercices d’entretien physique. Et la vague ne touche plus que les particuliers. Dernièrement, Teddy de Baere a été contacté par des grosses entreprises pour dispenser des cours collectifs et depuis le début de l’année 2013, il initie les employés de PSA Peugeot-Citroën et du Stade de France à sa méthode d’autodéfense. Une opportunité, pour le CFKM, de toucher un plus large public pour faire du rêve d’Imi Lichtenfeld une réalité : « Que chaque homme sache se défendre, élevé dans le respect d’autrui. »

Source : Florent Bouteiller / www.combat.blog.lemonde.fr

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